De retour du Fab9

Fab92013En août 2013 se tenait à Yokohama, au Japon, la 9e conférence internationale des Fab Labs (FAB9). Cette rencontre annuelle permet aux makers du monde entier de se réunir pendant une dizaine de jours afin d’échanger sur les projets qui sont mis en place dans leur fab lab respectif et de prendre contact avec tout ces gens impliqués à co-créer de nouveaux modèles de fabrication. C’est un temps d’inspiration et de partage très enrichissant pour la continuité de nos processus de création. Je représentais le DèmosLab et j’étais accompagné de Marc-Olivier Ducharme et Raphaël Demers du Fab Lab de Montréal, l’échofab. À nous trois, nous étions la seule présence canadienne au FAB9.

Ma participation à cette conférence m’a permis de découvrir la dynamique internationale des Fab Labs, de mieux saisir les enjeux actuels de la fabrication numérique, de réseauter, d’apprendre sur les initiatives et sur les projets qui se font dans les Fab Labs du monde entier. J’ai pu constater à quel point les Fab Labs sont différents d’un endroit à un autre et qu’ils réussissent merveilleusement à s’adapter à leur réalité locale. Je savais qu’il y avait beaucoup de Fab Labs à travers la planète, on en compte déjà plus de 200 à travers le monde, mais j’ai vraiment été étonné par la diversité et la créativité de l’ensemble des Fab Labs.

La diversité des Fab Labs dans le monde

Chaque Fab Lab à travers la planète est unique et c’est justement cette diversité qui les rend si innovants. Aux États-Unis, pays où le concept est né, les Fab Labs sont majoritairement situés dans des institutions telles que des écoles, des universités et des musées. On retrouve même le Fab Lab DC, près du fameux Capitol Hill, qui fait la promotion politique des Fab Labs. En Russie, c’est dans les écoles techniques qu’ils sont implantés et Moscou accueille un Fab Labs qui détient plus de 10 millions de dollars d’équipement, il est l’un des plus gros Fab Labs au monde. On voit aussi un intérêt très marqué pour les Fab Labs en Catalogne où la principauté de Catalogne, la ville de Barcelone et l’IAAC (Institute for Advance Architecture) ont comme projet de créer 10 Fab Labs en 10 ans dans la ville de Barcelone. De plus, ils appuient financièrement des projets en Amérique Latine, participant ainsi au déploiement d’un peu plus de 20 projets de Fab Labs, en 2013, sur le continent sud américain. Le Fab Lab Barcelone organisera d’ailleurs la prochaine conférence internationale, le Fab10. Israël aussi m’a beaucoup surpris puisqu’en 2 ans, 4 Fab Labs ont vu le jour et ils projettent d’en ouvrir pas moins d’une vingtaine dans les prochaines années! A peu près tout les Fab Labs mentionnés sont financés soit par des grandes institutions, soit par des fonds public.

Les Pays-Bas ont une toute autre approche et elle est très étonnante de par son efficacité! Les 25 Fab Labs que compte ce pays de 41 530 km carrés (la région administrative du Saguenay-Lac-Saint-Jean compte 106 521 km carrés) comptent généralement sur très peu de financement. Les Fab Labs sont démarrés par des petits groupes d’individus motivés et ils misent sur l’éducation, l’entraide et le partage inter-Fab Labs plutôt que sur un gros financement. Les Fab Labs néerlandais développent des projets très intéressants, comme une prothèse de jambe à 500 $ et ils ont même mis sur pied l’Association Internationale des Fab Labs.

Ailleurs, on retrouve des Fab Labs en Inde, qui installent leur locaux dans des ashrams. En Afrique, les Fab Labs sont souvent le fer de lance technologique du gouvernement de leurs pays. Les Fab Labs asiatiques sont aussi en pleine expansion, on retrouve entre autres le Fab Lab à Taipei, en Taiwan et à Yogyakarta en Indonésie. Les différents Fab Labs des pays arabes s’organisent en Arabie Saoudite, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. J’apporterai une attention particulière sur les six Fab Labs japonais, étant donné le lieu de la conférence.

Le FAB9 au Japon

Pour l’événement du Fab9, les Fab Labs japonais ont mis leurs équipements en commun et les ont déplacés dans un bâtiment qu’ils ont nommé le super Fab Lab. J’ai été impressionné par la diversité, la quantité et la qualité des outils qui étaient mis à notre disposition pour l’événement. On avait accès à un atelier où on pouvait vraiment fabriquer à peu près n’importe quoi! Plusieurs types d’imprimante 3D étaient disponibles, dont une qu’ils avaient construite eux-mêmes et qui imprimait avec du liquide contenu dans deux seringues. Il y avait une découpeuse fraiseuse CNC grand format et une quantité effarante de découpeuses laser. On avait aussi accès à une belle diversité de composants électroniques et à du matériel de moulage. Pour l’occasion, un t-shirt nous a été donné dans le but de le modifier à notre guise à l’aide de plusieurs machines à coudre à commande numérique, des découpeuses à vinyle et des tissus de toutes sortes. C’était vraiment plaisant de voir tous ces outils en compagnie d’autant de passionnés de l’invention et de la fabrication personnelle. Le soir on nous conviait à venir “fabriquer” notre propre nourriture traditionnelle japonaise au Fab Food et à se concocter soi-même sa boisson au Fab Bar. Nous profitions de ce moment de fin de journée pour partager nos réalités et nos impressions sur la conférence.

Lors du FAB9, j’ai eu l’occasion de visiter quelques Fab Labs japonais. J’ai particulièrement aimé le Fab café où on peut prendre un café et manger un sandwich en se découpant une œuvre ou une pièce au laser. On peut aussi boire une bière en s’imprimant quelque choses en 3D ou modifier son chandail avec l’aide d’une découpeuse à vinyle. Le Fab Lab que j’ai le plus apprécié est le Fab Lab Kamakura qui est situé dans une petit ville qui marie modernité et tradition. Cette ville magnifique contient un très grand nombre de temples Shinto-Bouddhiste et de maisons traditionnelles japonaises. Le Fab Lab Kamakura est situé dans une ancienne brasserie de saké qui date d’un peu plus de 100 ans! Ce qui le démarque des autres Fab Labs est la manière dont ils sont parvenus à marier la maitrise des arts traditionnels japonais et les nouvelles technologies. On retrouve un maître du cuir fabriquant des sandales et des artisans du bois qui conçoivent des chefs-d’œuvre à la découpeuse laser! Ça démontre très bien toute l’importance de revaloriser les techniques ancestrales qui ont évolué au fil des siècles.

Et au Québec?!

Au Québec, on compte deux Fab Labs qui offrent la journée d’ouverture à tous et à toutes gratuitement, l’échoFab qui existe depuis déjà deux ans et le DèmosLab qui est ouvert depuis avril 2013. On compte aussi plusieurs groupes qui s’organisent partout à travers le Québec pour mettre sur pied des Fab Labs régionaux. À Gatineau avec la coopérative de solidarité Créagora, au Témiscouata dans une auberge de jeunesse et à Sherbrooke la Fabrique est en train de se structurer. Nous savons aussi qu’il y a des gens motivés à partir un Fab Lab à Trois-Rivières. De plus, ces initiatives ont l’appui de Fab Labs Québec, qui est une communauté motivée par l’émergence de l’interstructure des Fab Labs au Québec.

Je crois que l’avenir des Fab Labs au Québec est très radieux. Les Fab Labs ont su susciter beaucoup d’intérêt et d’appuis, tant au niveau local, régional que mondial. C’est motivant pour le réseau des Fab Labs de recevoir des appuis forts et de se rendre compte qu’on peut se soutenir mutuellement.

Mes impressions sur le Japon

J’ai été agréablement surpris par la politesse et la gentillesse des Japonais. Je reviens de ce séjour avec plein de petits cadeaux et de beaux souvenirs, en plus des connaissances que j’ai acquises et des liens que j’ai créé avec les Fab Labs du monde entier, notamment avec le FacLab de Cergy-Pontoise en France. Un inventeur japonais nous a fait la démonstration d’une machine qui lit les lignes de vie d’un arbre comme un vinyle. Le concept m’a bien plu et j’en ai ramené une à assembler, nous pourrons bientôt écouter ce que les arbres du Québec ont à raconter! J’ai vraiment aimé le respect que la société japonaise voue à la nature. On se retrouve dans un pays avec une des plus hautes densité de population et pourtant il y a des arbres et des forêts partout, c’est vraiment magnifique.

La conférence internationale des Fab Labs est définitivement un lieu où se joue l’avenir technologique du monde entier. Vous pourrez très certainement m’entendre parler de mon expérience lors du Fab10 qui se tiendra à Barcelone du 2 au 8 juillet 2014!

Merci à LOJIQ de m’avoir permis de participer au Fab9.

Anthony Lapointe, 14 septembre 2013